top of page
Blog: Blog2
Rechercher

Pourquoi faut-il toujours croire une potentielle victime plutôt qu’un potentiel violeur?

  • Photo du rédacteur: Cloé Garnier
    Cloé Garnier
  • 8 sept. 2020
  • 4 min de lecture

Ou le processus de décrédibilisation de la parole des femmes


Accusations d’agressions et de viols envers Moha La Squale, Romeo Elvis, Tengo John, puis le #balancetonrappeur, depuis hier on ne parle que de ça. Sur internet les accusations et les articles explicatifs se multiplient, entrainant de vives réactions et des débats. Mais pourquoi des débats? Car comme très souvent, la parole des victimes est remise en question. Sous les tweets relayant l’affaire, on retrouve souvent les mêmes commentaires: « si c’est vrai j’espère qu’il va prendre cher », « si c’est vrai c’est grave », « oui oui bien sûr », « si c’est vrai: cheeeh » ect. Pourquoi? Parce que bien que la parole de la femme se soit libérée, elle est encore et toujours automatiquement sujette au doute, et ce de différentes manières.


"Preuves?"


Simple, net et efficace, il est souvent la première réaction adoptée et prouve bien que la parole de la femme est considérée comme trop infondée et bancale pour faire office de preuve. De plus, si seulement une femme témoigne, l’agression est jugée comme légère et sans gravité, mais alors si d’autres femmes la rejoignent et témoignent également, c’est un coup monté, une attaque à plusieurs. Mais c'est surtout la preuve qu'une partie de l'opinion publique préfère soutenir un potentiel violeur plutôt qu'une potentielle menteuse.


"Menteuses"


Parce que oui, ces femmes dénonçant les aggressions qu’elles ont vécu vont être automatiquement considérées comme des menteuses. Cet argument de la « fausse accusation » place la victime en tant que bourreau et inversement: Moha La Squale n’a rien fait, il est innocent et injustement accusé d’un crime qu’il n’a pas commis. En une seconde les rôles sont inversés et l’agresseur est dépeint comme l’agressé. Une remise en question des témoignages constante à cause de cette idée que derrière la libération de la parole se cache une motivation: vengeance? argent? popularité? jalousie? haine? En l’occurence, les accusés étant des rappeurs, si les victimes témoignent c’est pour « ruiner leurs carrières ». Les agresseurs sont dépeints comme étant attaqués, une attaque qui peut aller loin: ruiner leur carrière oui, mais aussi salir leur réputation, détruire leurs vies, les envoyer en prison même. Ah oui, la prison…


« Innocent jusqu’à preuve du contraire »


C’est là qu’intervient la présomption d’innocence. Car se placer du côté de celle qui accuse, c’est donc sortir de la neutralité, se positionner et accuser l’agresseur d’un crime. Outre le fait que se placer du côté de la victime, cela revient selon les personnes voulant rester « neutres » à ne plus respecter un principe d’égalité entre les deux partis (bien qu’il soit évident que l’on ne peut pas rester neutre puisque cela revient à soutenir l'oppresseur), il est aussi courant de penser que c’est à la justice de juger et de recueillir de vraies preuves. Encore une fois c’est considérer que les témoignages ne sont pas gages de vérités, mais c’est également mal connaître la justice française puisque Marlène Schiappa déclare que seulement 1% des violeurs en France sont condamnés à de la prison, tandis que Muriel Salmona -auteures d’un rapport sur les crimes sexuels- rapporte selon cet article du Parisien que sur les 9% des viols qui font l’objet d’une plainte, 70% sont classés sans suite. Le discours selon lequel accuser un homme d’aggression sexuelle ou de viol revient à ruiner sa vie est donc un mythe largement discutable au vu du nombre de plaintes non-traitées, de non-lieux, de prescriptions des faits, et des acquittements, que ce soit en France ou d’autres pays.


La vérité est donc que les femmes victimes d’agressions et/ou de viols qui osent parler de leurs vécus passent par un enfer pour être entendues.

Elles sont culpabilisées. S’il s’agit d’un viol conjugal, pourquoi n’a-t-elle pas quitté son conjoint ensuite? Pourquoi l’avoir choisit comme conjoint en premier lieu? S’il s’agit d’une agression dans la rue, pourquoi être sortie si tard le soir? Et pourquoi s’être habillée comme cela? Si les faits ne sont pas récents, pourquoi ne parler que maintenant? Pourquoi s’être tue avant?

Un exemple de ce parcours du combattant que doivent braver les femmes osant parler est l’affaire Ford/Kavanaugh. Vous vous en souvenez peut être, lorsque Brett Kavanaugh s’est présenté comme candidat à la cour suprême en 2018, la docteur Christine Blasey Ford l’a accusé d’agression sexuelle et de tentative de viol. Elle est immédiatement accusée de mentir dans le but de pour pouvoir ruiner la potentielle carrière de Kavanaugh comme juge à la cour suprême -une des positions les plus puissantes dans le gouvernement états-uniens- les sénateurs républicains tentent de discréditer son témoignage, et le président américain Donald Trump lui même en vient à se moquer ouvertement de Dr Ford lors d’un de ses meetings dans le Missouri. Avant son audition, elle avoue à un journaliste ,« Je ne suis pas ici aujourd’hui parce que je le veux. Je suis terrifiée. Je suis ici parce que j’estime qu’il est de mon devoir civique de vous dire ce qui m’est arrivé lorsque Brett Kavanaugh et moi étions au lycée »


"Dr. Ford put her career and reputation on the line, endure and will continue to endure harassment and hate and her abuser will be rewarded with holding a position in the highest court"

Les femmes comme Dr Ford doivent se battre pour que leurs voix soient entendues.

Elles doivent se battre face à la pression sociale. Elle doivent se battre faces aux menaces de morts, aux insultes, aux violences, aux moqueries.

Il faut donc lutter contre ce système visant à remettre en question la parole de la femme, à plaider l’innocence des agresseurs. Il faut justement dépasser ce discours qui nous est inculqué et au contraire défendre ces victimes qui ayant le courage de parler se font insulter et voient leurs récits scrutés scrupuleusement. Car pour elles rien ne sera laissé au hasard. Pas de circonstances atténuantes, pas de présomption d’innocence. Il faut les entendre, les défendre, il faut amplifier leurs voix car c’est nôtre responsabilité de les croire.

La vérité est que les femmes assez courageuses pour faire face à tout ce mécanisme méritent notre soutien.

 
 
 

Posts récents

Voir tout

Comments


  • linkedin

©2020 par Jeune Pousse. Créé avec Wix.com

bottom of page